Agence Europe 10/06/2022 –
La guerre en Ukraine et ses conséquences dans le monde planent sur la 12e conférence ministérielle (MC12) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les ministres du Commerce des États membres de l’UE ainsi que la Commission européenne seront à Genève du 12 au 15 juin pour l’événement. En conséquence de l’invasion russe en Ukraine, la sécurité alimentaire s’est invitée à l’agenda, déjà chargé.
La prise de décision par consensus à l’OMC a largement compliqué les discussions ces dernières semaines, en raison de la présence de la Russie. De facto, les différents textes qui seront adoptés lors de la MC12 ne font pas mention de la guerre en Ukraine. « Si on veut une déclaration multilatérale, il est impossible de mentionner ce point, comme les décisions se font par consensus. Nous avons accepté cette situation, à condition que la situation en Ukraine soit mentionnée ailleurs », explique une source. C’est pourquoi l’UE organise un événement de soutien à l’Ukraine à Genève avant l’ouverture de la MC12, dimanche 12 juin.
Les conséquences de la guerre seront toutefois traitées, notamment dans une déclaration ministérielle sur la sécurité alimentaire. « L’UE a travaillé dur avec les autres membres pour préparer un paquet multilatéral sur la sécurité alimentaire avec en arrière-plan une crise alimentaire émergente causée par la Russie, qui utilise la nourriture et le blé comme une arme de guerre », a déclaré le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, qui participera aux réunions de la MC12. Les commissaires européens Virginijus Sinkevičius pour la pêche et Janusz Wojciechowski pour l’agriculture seront également présents.
La déclaration devrait être adoptée « relativement facilement » au début de la Conférence, d’après une deuxième source. Le texte devrait appeler à maintenir les marchés ouverts, à limiter les restrictions à l’exportation, à fournir de l’aide humanitaire en cas de crise pour la sécurité alimentaire, etc.
Une seconde déclaration ministérielle est attendue pour exempter le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) des restrictions ou interdictions à l’exportation de nourriture dans le monde. Certains membres expriment toutefois des désaccords sur le texte. C’est notamment le cas de l’Inde, a confié une source à EUROPE. New Delhi a imposé en mai des restrictions à l’exportation sur le blé, puis sur le sucre.
Le sujet de l’agriculture comprend enfin une troisième déclaration ministérielle qui définit un programme de travail pour la réforme du système agricole mondial. Ces deux dernières déclarations sont toujours en discussion à l’heure où nous écrivons ces lignes. L’ambassadrice Gloria Abraham Peralta (Costa Rica), qui préside les discussions sur l’agriculture, s’est dite confiante quant à un accord pour la MC12.
La lutte contre la pêche illégale et nocive
Les membres de l’OMC discutent de longue date de la lutte contre la pêche illégale et nocive. Ils adopteront une déclaration ministérielle pour réguler et réduire les subventions qui mènent à la surpêche.
Des désaccords subsistent sur le traitement différencié pour les pays en développement. Une majorité de membres pensent qu’une exemption transitoire au texte de 5 à 7 ans serait raisonnable, alors que d’autres, comme l’Inde, réclament un délai de 25 ans, d’après plusieurs sources.
Pour l’UE, des flexibilités sont envisageables, mais il faut également assurer une concurrence équitable à terme.
La levée des brevets sur les vaccins anti-Covid-19 attend toujours
En suspens depuis octobre 2020, le cadre d’une levée temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins contre la Covid-19 n’a toujours pas été arrêté à l’OMC (EUROPE B12956A29). En cause, l’étendue des flexibilités sur les brevets ou encore les modalités d’exemption pour les pays en développement. Un compromis avait pourtant été trouvé entre l’Afrique du Sud, l’Inde, les États-Unis et l’UE qui avaient des positions différentes (EUROPE B12912A9).
Les négociations sur le texte entre l’ensemble des membres ont réellement commencé en substance le 6 juin, d’après l’ambassadeur Lansana Gberie (Sierra Leone), qui préside ces discussions. Lors du Conseil général à l’OMC du 7 juin, il s’est dit « prudemment optimiste » quant à un accord pour la MC12.
L’UE veut lancer le travail sur la réforme de l’OMC
Autre chantier titanesque de la MC12 : la réforme de l’organisation. L’ambition est seulement de lancer les travaux en vue d’arriver à des résultats concrets pour la 13e conférence ministérielle, dans deux ans.
Pour l’UE, il est fondamental de renforcer le rôle de l’OMC en réparant ce qui ne fonctionne pas. Il s’agit, en premier lieu, de l’organe d’appel, qui est bloqué depuis plusieurs années par les États-Unis. Pour cela, une réelle implication de Washington est nécessaire, comme l’ont rappelé les ministres européens du Commerce le 3 juin (EUROPE B12965A5). Cet engagement doit prendre la forme d’une déclaration ministérielle lors de la MC12.
Prolonger le moratoire sur le commerce électronique
Chaque conférence ministérielle est l’occasion de renouveler le moratoire sur le commerce électronique, qui consiste à ne pas imposer de tarifs sur les transmissions électroniques. Les membres doivent donc s’engager à nouveau pour deux ans, mais plusieurs pays ont des réticences. Ils considèrent que ce moratoire les prive d’une importante source de revenus.
Pour l’UE, cependant, cela n’aurait pas de sens d’appliquer des droits de douane sur le commerce électronique à l’heure actuelle. « Cela enverrait un mauvais message pour la transition numérique », explique une source. Pour l’heure, le consensus n’est pas encore acquis.
En marge de la MC12
Le commissaire Valdis Dombrovskis codirigera, avec ses homologues de la Nouvelle-Zélande, du Kenya et de l’Équateur, un déjeuner autour de la potentielle coalition des ministres du Commerce pour le climat, lundi 13 juin. Ce sera l’occasion de lancer avec un groupe de pays les discussions sur cette idée annoncée il y a quelques mois par le commissaire. L’objectif est pour l’instant, de lancer la coalition l’année prochaine.
Par ailleurs, une délégation de huit eurodéputés de la commission du Commerce international sera présente à Genève le même jour, à l’occasion de la Conférence parlementaire à l’OMC. Ce sera l’occasion pour eux d’appeler à plus de multilatéralisme et de promouvoir la réforme de l’OMC (EUROPE B12840A19). (Léa Marchal)